Première femme africaine à recevoir le prix Nobel de la Paix en 2004, professeure et militante écologiste Kenyane, Wangari Maathai a fondé en 1977 le Mouvement de la Ceinture Verte qui vise à reboiser les terres gérées par les femmes des villages. Si la nouvelle intitulée “l’homme qui plantait des arbres” de Jean Giono est la fiction qui a marqué des générations, l’histoire de celle que l’on surnomme la femme qui plantait des arbres elle, est bien réelle.
Justice sociale, démocratique et écologique plus que jamais liées.
Les mots de Wangari Maathai s’inscrivent dans la lignée de ceux de Martin Luther King ou de Nelson Mandela que l’activiste citait parfois dans ses interventions. En ces figures, elle reconnaît l’importance de mettre en lumière (et de prendre à bras le corps) les injustices. Les identifier est essentiel pour tenter d’agir et de les rectifier. Pour elle, les ignorer attirerait tôt ou tard le conflit.
Agir pour une justice sociale, démocratique et écologique sont autant de conditions au maintien... de la Paix. Pour ce faire, Wangari Maathai martèle l’importance de la gouvernance à l’heure où les ressources (africaines - et mondiales!) se raréfient tandis que quelques appétits économiques grandissent. Face à ces défis, on le sait, il y a beaucoup à faire.
Mais qui est vraiment Wangari Maathai ? D’où vient l’idée de planter une grande ceinture d’arbres aux portes du désert ?
Prendre le problème à la racine
Pour commencer à semer la graine de son engagement, c’est vers les femmes de son pays natal, le Kenya, que Wangari Maathai s’est d’abord tournée. Pourquoi ? Peut-être en raison d’une proximité et complicité évidente vous direz-vous. Certes.
Mais aussi et surtout parce que, selon ses mots: “dans ma région du monde, ce sont les femmes qui sentent en premier le poids de la dégradation environnementale. Ce sont elles qui produisent la nourriture. Alors ce poids, elles le sentent quand la terre ne parvient plus à produire suffisamment. Elles le sentent quand elles n’ont plus d’eau potable et doivent parcourir de plus longues distances pour en trouver. Elles le sentent quand la désertification gagne leurs terres. Alors je leur ai demandé : pourquoi ne plantons-nous pas des arbres ?”
Solidarité féminine et background en biologie, le précipité et la solution
Cette question aux apparences simples lui vient d’abord d’une enfance rurale. Elle y collectait le bois pour cuisiner et pouvait boire l’eau des cours d’eau. Aujourd’hui, ce serait impossible. "Le pays a pollué ses rivières au nom du “développement” confiait-elle en mimant de grands guillemets.
L’éducation qu’elle a aussi reçue a indéniablement pesé dans son parcours. Née en 1940 au Kenya, c’est sa mère qui lui a permis d’intégrer une école primaire - possibilité alors rare pour une jeune fille. Après le bac, elle fait partie des 800 jeunes qui ont obtenu une bourse pour étudier aux Etats-Unis. Elle y étudie la biologie tout en suivant de près les mouvements des Droits Civiques. Motivée par une inarrêtable soif de connaissances, elle devient la première femme d’Afrique centrale et orientale à obtenir un doctorat et la première femme également à y devenir professeure.
La naissance du Mouvement de la Ceinture Verte
Elle décide de quitter sa carrière universitaire pour lancer en 1977 le mouvement de la ceinture verte sous les auspices du Conseil National des Femmes du Kenya. Dans l’optique donc, de renforcer des moyens de subsistance durable et un espace démocratique, le mouvement cherche à renforcer la résilience climatique et l’autonomisation des communautés en agissant à la base, au niveau national puis international.
“Plantons des arbres. C’est une action simple que l’on doit utiliser pour éduquer et encapaciter” déclare Wangari Maathai. Derrière cette idée simple, la volonté d’agir sur le cercle vicieux de la coupe d’arbres destinée à défricher des terres cultivables. Ces coupes entraînent immanquablement une raréfaction de la biodiversité, un ruissellement des eaux de pluies, un appauvrissement et une érosion des sols qui influent à leur tour sur les questions de malnutrition, de disponibilité d’eau douce et même de maladies contagieuses.
A travers ce mouvement, la biologiste a donc encouragé les femmes à planter des arbres partout où c’était possible sur leurs surfaces agricoles. Aujourd’hui, on compte plus de 50 millions d’arbres plantés dans tout le Kenya, plus de 6000 pépinières créées et des milliers d’écoliers formés.
De l’action militante jusqu’aux sphères politiques
Engagée dans des mouvements populaires non violents, Wangari Maathai s’est érigée contre l’accaparement de terres, pour la protection des bassins versants et des espaces verts. Elle cultivera avec la même ferveur un engagement politique qui s'est vu sanctionné par des peines de prisons et de violentes attaques pour avoir demandé des élections multipartites et la fin de la corruption.
Son engagement a culminé lorsqu’elle fonde, à l’aube des années 2000, le parti Vert avant de se voir offrir une place au sein du gouvernement Kenyan en 2003 en tant que ministre de l’environnement, des ressources et de la faune sauvage…
Parmi ses nombreuses distinctions, elle recevra le prix Nobel de la Paix, un prix Goldman pour l'environnement, un prix Indira Gandhi et la Légion d’honneur française. Mais se sont sûrement ses mots qui continueront à nous guider à travers les âges :
“Nous sommes aujourd'hui confrontés à un défi qui appelle un changement de mentalité, afin que l'humanité cesse de menacer son système de survie. Nous sommes appelés à aider la terre à guérir ses blessures et, ce faisant, à guérir les nôtres - en fait, à embrasser l'ensemble de la création dans toute sa diversité, sa beauté et son émerveillement”.
Louna Teisseire
Sources :
Wangari Maathai : fervente protectrice de l'environnement – DW
Wangari Maathai et le Mouvement de la ceinture verte
Wangari Maathai, une vie pour l'environnement et la démocratie | Paris Global Forum